signesdestemps

-J’ai fait un bouillon de champignon à l’Odika et un paquet d’arachide aux minuscules crevettes. Il y aussi  des feuilles de manioc au jus de noix de palme que tu pourras manger avec des tubercules. Je crois que Maman a préparé des ignames violettes,  des tarots blancs, des patates douces, des épinards et des courges sauvages.

-Tout ça pour moi ?demanda Ekareki ?

-Tu les veux pour qui ? Une femme n’a-t-elle pas la responsabilité de combler son mari de tout, y compris de la bonne cuisine. Je ne veux pas que les gens pensent que tu ne manges pas bien en regardant ton ventre plat semblable a celui d'un affamé.

-Je rends une fois de plus grâce à mon Dieu de m’avoir donné une si belle femme mûre.

-Tu veux dire « essila minenga (1)» ?

-C’est le terme adéquat !

-Je ne suis pas  « ngone », une demoiselle non épanouie !

-Tu as parfaitement raison. Les demoiselles passent leur temps à lever le cou et à se pavaner dans tout le village, sans savoir ce qu’elles cherchent.

-Si je te vois à côté d’une demoiselle voleuse de mari, gare à toi ?

-Il faut bien que tu me crèves les yeux pour ne pas me borner à contempler leur immaturité.

-J’espère que tu ne seras pas ma Dalila ?

-Qui est cette Dalila ?

-C’est celle qui a dompté et perdu le puissant Samson !

-Encore ce Samson ! Dis-moi est-il fang ce Samson ,ou blanc ou …. ?

-Samson était un hébreu dont la Bible nous parle : l’homme le plus fort du monde. Il s’est fait perdre par la finesse et la beauté d’une demoiselle païenne nommée Dalila.

-Ne me parle plus de cette Dalila. Je ne veux ni  être à sa place, ni faire à son amant ce qui ne doit jamais se faire. Toutefois, si je savais lire comme toi, je comprendrai mieux les enjeux de cette histoire qui me parait assez étrange.

-Lorsque tu seras définitivement mon épouse, je t’apprendrai à lire la Bible et cette histoire dans notre langue maternelle.

-Cette histoire peut être lue en fang ?

-Bien sûr, le missionnaire Samuel Galley avait traduit la Bible en fang, à Ovang, sur le bord du fleuve « mvoung ».

-Cette histoire se passe au Gabon ?où exactement ?

-Cela se passe effectivement au Gabon, vers Mekougou. D’ailleurs, il ya un passage dans notre forêt qui aboutit dans cette localité, en passant par le fleuve « Kono » que les blancs nomment Okano.

-D’ailleurs, pour abonder dans ton sens, les blancs ont déformé beaucoup de nos réalités naturelles et locales. Le fleuve « lague » qui veut dire explosion  a été désigné « lalara », « Nkoma » qui veut dire le delta est devenu le komo, « Mindzic »,qui veut dire satellites des arbres est devenu  Mitzic..Tu es heureux maintenant n’est-ce pas ? Plus que quelques heures et je serai ton épouse ! Quelle merveille, le mariage avec toi ! »

-Merci, ma chérie, quelle bonheur de t’avoir toute ma vie comme compagne !(A SUIVRE)

(1) Le peuple fang classe les femmes en quatre categories distinctes: "etong ngoane" celle qui n'est pas puberte."Ngoane  " celle qui est puberte et qui peut avoir des rapports intimes avec un homme."Essila",une femme epanouie,mure ou qui a atteint la maturite et qui risque de mourir demoiselle si elle ne se marie pas rapidement. "ngnaminenga," une femme d'un certain age.

-Je vois de quoi vous faites allusion. La convocation sera adressée à mes deux grands frères : Mba Ndema Fidèle et Nguema Ndema Marcel. Je veux qu’ils quittent très tôt le village pour nous atteindre avant que le soleil ne surplombe verticalement nos têtes, à l’heure où les poules font leur beau.

-C’est bien Ekareki !Mais ne veux-tu pas qu’ils apportent avec eux des présents ?

-Ce n’est pas utile pour le moment, étant donné que vous viendrez dans mon village me remettre officiellement Engonga Mba. Ce qui sera oublié sera trouvé et soigneusement conservé pour votre arrivée.

-Comment réglerez vous le transport de tout ce que vous nous donnerez en échange de la dot et de tous les produits donnés en nature ?

-Nous préférons que vous les acheminiez une bonne fois durant la cérémonie du  « Yala. ».

-Ondo Bengone, vas maintenant envoyer le message de ton beau frère à Nkolabona. Ce message s’adresse à Mba Ndema et  à son frère Nguema Ndema ,fils de Ndema Assembe  de la tribu Bekwe de Nkolabona.

-Pourquoi toutes ces précisions ? Demanda Ondo Bengone.

-Il faut que ton message soit clair en désignant les concernés et leur tribu. A Nkolabona, il  y a plusieurs clans Bekwe : ceux de Ze Ebere, ceux d’Ellelem, ceux de Mekok, ceux de Meki, ceux d’Abega assi  ceux de Ndema de Nkolabona .

-Tout ça pour un seul village ?  Demanda Ondo.

-Il faut tu saches que Nkolabona est un grand regroupement de village : il ya sept tribus différentes. En dehors des Bekwe, la tribu des singes et du pouvoir par excellence, il y a des meke,les mbone, les essessègne, les essamegnoun, et les autres. Tu as bien compris ?

-Cela vaut bien une amende de plus pour favoriser la disparition de tes possibilités relatives à ton mariage avec Engonga Mba !

-Que veux-tu dire ? Que les temps et les circonstances ont changé ou refuses-tu à nouveau de me donner la possibilité d’ être une bonne fois pour toutes ton beau-frère ?As-tu trouvé une personne capable de m’arracher Engonga Mba ? Mieux vaut me tuer que de me laisser ridiculiser par mon faux et inexistant rival. Engonga Mba est faite pour moi et moi seul.

-Effectivement, j’aime entendre parler l’homme de Nkolabona, reprit Mba Bengone.

Merci Beaucoup mon beau père pour m’avoir sauvé la vie devant ce beau frère qui change d’avis aussi facilement.

-Ce serait trop facile de te donner ma sœur comme ça ! Tu l’auras toute ta vie dans ta maison et dans tes maudits bras et moi je devrais faire un long voyage pour la voir, alors que toi ,tu la garderas et tu seras envié par tes amis! Pendant ce temps, je serai sans sœur et sans femme! Ne comprends-tu pas ma peine et ma douleur ?

-C’est le moment de choisir une femme,mon beau frère.Quand je vous ai donné Ntsame Ndema en mariage,avais-je des arrières pensées ?Je suis très heureux de vous avoir comme gendres.

-Nous aussi Ekareki ! Ne suis pas Ondo Bengone, il veut simplement te chahuter. D’ailleurs, c’est ton plus grand allié dans notre famille.

-Pourquoi Zazou Engonga est-elle si radieuse comme ça ? demanda son père.

-Parce qu’elle est heureuse de porter le prestigieux nom de madame Ovono Ndema alias Ekareki. Ajouta Ondo Bengone

-C’est vrai ?Qui ne voudrait pas être à sa place ? Demain, toute le village en parlera n’est-ce –pas ? Demanda Mba Bengone.

-Seulement, je connais une personne qui pleurera d’émotion demain. Dit Ekareki.(A SUIVRE)

 Par contre, les blancs ont réglementé leur façon de manger : ils mangent à la fois bien et richement.

-Tu veux dire que nous parlons tous beaucoup et que nous ne mangeons pas bien ?

-Ce n’est pas ce que je veux te faire comprendre, ma chérie.Je veux te dire que l’école nous enseigne tellement de bonnes choses que nous ne sommes pas obligés de devenir bavards ou encore gourmands. Nous avons dans notre société des possibilités de ne pas être bavard ou loquace. Nous avons aussi une alimentation naturelle  riche en sel minéraux , en vitamines, en protéines et dans tous les aspects alimentaires utiles à la croissance équilibrée d’un être humain. Pourtant, nous négligeons ces aspects que la nature nous procure pour essayer de vivre comme les blancs au moment où ces derniers reviennent vers une vie plus simple et plus naturelle.

-Ce que je constate ,c’est que tu es très différents des autres garçons de notre canton : Tu es très beau, propre et très riche en bien matériel et en argent. Rien qu’à regarder ce que tu donnes pour ma dot : c’est beaucoup et impossible à trouver pour quelqu’un qui ne travaille pas chez les blancs.Tu as un sens d’organisation très poussé et une capacité de réflexion hors norme. En plus ,tu es en très grande forme physique : Ta peau est sans gale et ta chevelure bien propre.

-En matière d’hygiène, nous avons beaucoup à apprendre des blancs. Par contre, dans le sens de la vie en communauté  et de la libéralité, ils ont beaucoup de choses à apprendre de nous.

-Sont-ils supérieures à nous, mon amour ?

-Je ne veux pas de ce nom là qui ne correspond point à mon caractère !

-Je te dis que je t’appelle Avolenzame et tu seras mon épouse. As-tu compris ?

-Non, je ne te comprends pas. Non, je  ne te comprends pas !

-Tu comprendras ! Je te le ferai comprendre

 Ekareki lui donna une de ces gifles qui la projeta contre le mur. Elle se déchaina comme un éléphant pour tenter de porter Ekareki pour le frapper contre le mur. Ekareki sortit de la salle comme un fauve, retroussa les manches de sa chemisette. Avant qu’il ait terminé cette tache ,Emvourezok s’envola et se posa sur le toit. Lorsqu’elle se projeta vers lui, Ekareki fit semblant de lui assener un  violent coup de point.

Mais, elle  l’esquiva et pendant qu’elle s’envolait pour se percher sur une feuille de bananier en lui tournant le dos, Ekareki prit une pincée de poussière dans sa paume à son insu.

Lorsqu’elle revint tout feu toute flamme pour vaincre cette fois Ekareki, ce dernier toucha légèrement son corps en lui frottant une petite quantité de poussière. Elle atterrit et s’affaiblit. Ekareki alla vers elle l’embrassa et ils entrèrent dans le salon pour conclure leur entretien.

-Je t’appelle Avolenzame parce que j’ai perdu mon frère ainé et j’aurai aussi pu te perdre ,puisque tu avais la possibilité de refuser ma proposition de mariage.J’ai perdu mon frère Ondo Ndema , j’ai réussi à te prendre pour épouse, je suis comblé. As tu compris ?

-Oui, mon chérie Ekareki. Pourquoi as – tu refuser de me battre publiquement en me remettant à ma place de femme qui doit être soumise à ton autorité ?

-C’est bien ce que j’ai fait. Je t’ai vaincu d’une autre manière. N’est-ce pas ?

-Oui, je pense que tu me mérites comme épouse héritée. Dis-moi qui t’a révélé mon secret ?

-Je suis le fils des vieux et mon nom Ekareki ne te dit rien ?(A SUIVRE)